Le contexte de la prise alimentaire a t-il une influence sur la consommation d’aliments ultra transformés?

Les nombreuses études menées sur l’influence du contexte de la prise alimentaire sur la consommation alimentaire ont montrés que celui-ci avait une grande importance aussi bien en terme de choix d’aliments que de quantité consommées. Le contexte de la prise alimentaire est particulièrement important chez les adolescents, à leurs âges ils sont vulnérables, or c’est  au cours de cette période qu’ils vont prendre des habitudes alimentaires, qui perdureront tout au long de leur existence.

femme mangeant devant la télévision, probablement des aliments ultra-transformés

Le contexte de la prise alimentaire : un impact sur le choix

Les règles sociales, les habitudes familiales, le nombre de personnes, le type de convives, le lieu de consommation ou le fait de regarder ou non la télévision y jouent un rôle majeur. Ainsi, manger en regardant la télévision augmenterait la consommation d’aliments ultra-transformés alors, que le fait de partager un repas avec des individus qui nous sont proches, encouragerait la consommation d’aliments « sains » comme celle des fruits et légumes.

Beaucoup de choses sont connus sur l’impact de l’environnement sur la consommation alimentaire de certains types d’aliments, notamment sur celle des fruits et légumes chez les adolescents. En revanche, peu le sont sur les liens entre contexte de prise alimentaire et consommation d’aliments ultra-transformés. Cette consommation est pourtant très importante notamment au Royaume – Uni où elle peut aller jusqu’à 70% de l’apport total!

Quant on connait l’impact de la consommation d’aliments ultra-transformés sur la santé, et le mode de vie des adolescents, il est décisif d’évaluer l’impact des différents contextes de prises alimentaires sur leurs choix afin de pouvoir identifier les contextes spécifiques susceptibles d’encourager les comportements alimentaires sains et / ou de décourager les comportements malsains. 

C’est dans cette optique que Rauber et Coll. (2021) s’intéressent a l’impact du contexte de la prise alimentaire sur la consommation d’aliments ultra-transformés chez des adolescents britanniques. Pour ce faire, ils ont étudié les liens entre différents modèles de contextes de prises alimentaires aux cours des deux principaux repas et la consommation effective d’aliments ultra-transformés.

Quelle a été leur méthodologie ?

Les adolescents : cette cible a un contexte de prise alimentaire parfois particulier

Population d’étude

L’étude a été réalisée sur 542 adolescents britanniques (11-18 ans). Les caractéristiques démographiques des adolescents et de leur famille ont été récoltées : âge, sexe, origines ethniques, origines géographiques (Angleterre du Nord, du Sud, Londres..), catégories socio-professionnelles (professions manuelles, professions intellectuelles….). Le recueil de ces données ont été saisies en vue d’analyses ultérieures. 

Recueil des données 

Sur la période 2014-2016, les participants ont contribué au programme de l’enquête nationale sur l’alimentation et la nutrition (NDNS) qui est une enquête transversale continue recueillant des informations annuelles sur tous les aliments et boissons consommés par un échantillon représentatif de la population britannique. 

Evaluation des consommations alimentaires des participants

Les participants devaient noter, durant 4 jours consécutifs (choisis au hasard), leurs consommations alimentaires, chez eux mais aussi à l’extérieur (portion consommée…) mais aussi dans quel cadre la prise avait eu lieu (où, avec qui…).  Les journaux alimentaires ont été codés en utilisant la méthodologie DINO (Diet In Nutrients Out). Les apports alimentaires et énergétiques ont été estimés via une mise à jour annuelle des données sur la composition nutritionnelle de la banque de données nutritionnelles du ministère de la Santé.

Quels sont les contextes étudiés ?

Les consommations alimentaires ont été évaluées pour le déjeuner (entre 11h et 15h) et pour le diner (entre 18 et 21h).  Pour chacun de ces repas, a été pris en compte le lieu du repas (domicile, hors domicile, le lieu de restauration), les personnes présentes (parents/familles, amis, seul), si la télévision était allumée et si la nourriture était consommée à table ou non. Selon la situation dans laquelle ils se trouvaient les participants devaient répondre d’une manière « binaire », c’est à dire par oui  ou par non.

Classification des aliments ultra transformés NOVA

La classification NOVA

Afin d’avoir des données les plus objectives possibles, les chercheurs ont utilisé la classification NOVA

Selon cette classification, les aliments suivants font partie de la catégorie des aliments ultra-transformés  : biscuits, glaces, bonbons, céréales pour petit-déjeuner, collations emballées, boissons gazeuses, boissons aux fruits sucrées, yaourts sucrés, boissons laitières, plats cuisinés ou semi-préparés, saucisses et autres charcuteries….

Quels sont leurs résultats ?

D’après les données recueillies, quelles sont les habitudes de consommation alimentaires des adolescents ?

Selon leurs déclarations : 

  • Ils seraient 80,1 % à s’assoir à table pour le déjeuner et 77,2 % à le faire pour le diner. 
  • Ils mangeraient plus fréquemment avec des amis au déjeuner qu’au diner (76,6 % de réponses positives pour le déjeuner versus 28,1% pour le diner). 
  • La tendance s’inverse pour le diner, Ils seraient 87,9% à prendre ce repas en famille.
  • Ils seraient 92,3 % à prendre leur diner « à la maison », « hors chambre » et ils seraient 67,3 % pour le déjeuner.  
  • Ils seraient 58,9 % à déjeuner au sein de leur établissement scolaire, c’est à dire « à l’école ». 
  • Ils seraient 70,1% à regarder la télévision en mangeant au cours du diner, et ils seraient 43,5 % à le faire au cours du déjeuner. 

A noter, les caractéristiques démographiques semblent modifier quelque peu les habitudes / contextes de consommations alimentaires. Concernant le déjeuner, par exemple, les chercheurs ont mis en évidence que les adolescents les plus âgés (17-18 ans) sont significativement moins nombreux à prendre leur repas « à l’école avec leurs amis » (comparativement aux 11-16 ans). Il en est de même pour les adolescents du Sud de l’Angleterre et du Pays de Galles : ils sont moins nombreux à la faire que ceux des autres régions géographiques. 

Quels type de produits transformés sont consommés par les adolescents ?

Manger sur le pouce : un contexte de prise alimentaire propice aux aliments ultra-transformés

Les aliments ultra-transformés représentaient 67,8% de l’apport énergétique total des adolescents britanniques. Cette consommation était répartie de la manière suivante : les plats cuisinés emballés représentaient 13,4% de l’apport énergétique total, les pains emballés 11,6%, les confiseries 9,7%, les frites et pizzas industrielles 8,6%.

Comment ces produits ont ils consommés ?

Au déjeuner, aucune différence dans la consommation d’aliments ultra-transformés n’a été observée pour les contextes «À l’école avec des amis», «À la télévision pendant le repas de famille» et «Hors de la maison (hors école)». En revanche, la consommation d’aliments ultra-transformés augmentent au diner , notamment pour le contexte « Regarder la télévision seul dans la chambre». Il en est de même pour le contexte « manger hors de la maison avec des amis ». Concernant le contexte « regarder la télévision pendant les repas en famille », il a été observé une augmentation de la consommation d’aliments transformées, mais cette augmentation ne seraient pas significative. 

Interprétation des résultats et conclusion de l’étude 

Grâce à leur étude, Rauber et Coll. (2021) ont identifié les habitudes alimentaires des adolescents britanniques (11-18 ans) durant les repas les plus importants de la journée, c’est à dire au déjeuner et au diner. Ces habitudes variaient quelques peu selon les caractéristiques socio-démographiques. 

Les repas à table : un contexte sain de prise alimentaire

D’après les résultats obtenus, les adolescents, qui ont pour habitude de manger « seuls dans la chambre tout en regardant la télévision » et / ou de « sortir avec des amis, consomment davantage d’aliments ultra-transformés. Ceci était d’autant plus vraie pour le diner. Ce résultat peut s’expliquer par Ies « Us et Coutumes » du Royaume-Uni, concernant les repas. En effet au RU : le repas du soir est, non seulement, le repas le plus fréquemment consommé en famille, mais, il est aussi le plus plus copieux. C’est aussi celui qui dure le plus longtemps. Le déjeuner, est, lui, en revanche, un repas rapide durant lequel la consommation de sandwichs n’est pas rare. 

Quant au fait de « Manger avec des amis », cela peut modifier les comportements alimentaires,  ne serait-ce que pour « être accepté dans le groupe ». Il n’est donc pas rare que les comportements soient ajustés, et que cet ajustement se fasse au profit d’aliments très palatables (riche en caisses et en sucres).

Célia Mores

L'auteur :
Célia Mores

Chercheur, conférencière et chargée d’enseignements à EDNH (Ecole de Diététique et Nutrition Humaine)

Spécialiste des questions du traitement de l’information par le cerveau humain, Celia s’intéresse plus spécifiquement aux processus mentaux impliqués dans la mémoire, l’attention, la perception, la prise de décision, le comportement alimentaire et les addictions de tous types (substances et comportementales) ; sans oublier les effets du stress.

Actuellement conférencière et chargée d’enseignements auprès d’institutions publiques et privées, elle intervient dans divers domaines, tous en lien avec le comportement humain.

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