Au vu du développement de l’obésité que ce soit en France ou dans tous les pays du monde, il est capital de connaître les facteurs qui influencent le comportement alimentaire afin de mieux comprendre ceux qui contribuent au choix d’une alimentation saine. Le but étant de réaliser des interventions spécifiques afin de promouvoir une alimentation saine et donc d’influencer ce type d’alimentation, notamment auprès des jeunes pour qui les habitudes alimentaires s’établissent de manière durable aux cours de l’adolescence.
Qu’est qu’une alimentation saine ?
Dans leur revue de la littérature ; Boucher et Coll. (2008) en se basant sur les nombreuses études publiées sur le sujet, en donnent trois définitions. Ainsi, d’après Taylor et Coll.(2005), l’alimentation saine se définirait comme « des habitudes ou des comportements alimentaires qui favorisent l’amélioration ou le maintien de la santé ». Pour Conner et Coll. (2002), une alimentation saine est une alimentation qui irait dans le sens des recommandations nutritionnelles actuelles, comme celles préconisées en France par le PNNS. Enfin, elle se définirait « à partir d’indicateurs tels que que la quantité de portions de fruits et légumes consommées par jour »[1].
Ainsi, une alimentation saine doit être une alimentation équilibrée, variée et doit inclure des fruits et légumes dont la consommation est associée à une réduction du nombre de cancers et de maladies cardiovasculaires [2].
Quels sont les facteurs qui influencent nos choix alimentaires ?
Les choix alimentaires sont complexes et sont influencés par une combinaison de divers facteurs qui vont interagir entre eux. Parmi ces facteurs d’influence, on retrouve les déterminants biologiques /physiologiques (ex : faim, appétit), les déterminants psychologiques (ex : stress), les déterminants sociaux-culturels (ex : la culture, la famille, les pairs), les déterminants environnementaux et économiques (ex : cout, disponibilité, marketing et media)[3]. On retrouve aussi des facteurs « plus intrinsèques » comme les préférences personnelles, les attitudes, les croyances, les connaissances, les considérations santé[4].
Vers le choix d’une alimentation saine
Le choix d’une alimentation saine se ferait, selon Resnick (2000) grâce à des facteurs de protections qui seraient issus de l’influence de l’environnement extra-familial, familial, et des particularités individuels. Plus précisément, pour l’auteur, c’est l’interaction entre ces différents facteurs qui conduirait au choix d’une alimentation saine. Ainsi, dans son approche, Resnick (2000) corrobore le modèle « écologique » définit par McLeroy (1988), pour qui, le choix d’une alimentation saine seraient due à l’interaction entre les déterminants institutionnels, interpersonnels et individuels[5].
Les déterminants sociaux-culturels
La famille
La famille joue un rôle important dans les choix alimentaires. Il a été mis en évidence que le choix des adolescents était semblable à ceux de leurs parents, qui étaient influencés par leurs consommations, cela est d’autant plus vrai si les adolescents participent à l’élaboration des courses[6]. L’exemple donné par les parents, la disponibilité des aliments au sein du foyer, l’exposition à la diversification alimentaire, la composition des repas, les repas pris en famille contribuent à la consommation d’aliments sains, notamment à celles des fruits et légumes et des produits laitiers [7].
Toutefois, la disponibilité des aliments sains n’est pas une condition suffisante pour leur consommation[8]. De plus, la famille peut selon l’éducation donnée avoir un effet délétère sur le comportement des enfants vis à vis de la nourriture malsaine. Ainsi, une « éducation parentale autoritaire » vis à vis de la « junk food » , va induire une augmentation de la consommation de ce type d’aliments[9]. Il en est de même pour une éducation trop permissive[10].
Les pairs
Les pairs (ex : amis) jouent un rôle dans les choix alimentaires[11]. Ainsi dans leur étude, Lytle et Coll (2003) montrent que la consommation de fruits et légumes pouvaient augmenter chez des adolescents (13 ans), si leurs amis valorisaient ce type de consommation alimentaire. Le regard des pairs peut être perçu, notamment par les jeunes adolescents comme une approbation, une sorte de « soutien social » qui va conduire au choix de produits sains et à une diminution de la consommation de produits malsains comme celle des boissons gazeuses ou de restauration rapide[12].
Les déterminants environnementaux et économiques
La disponibilité alimentaire
C’est un facteur important dans le choix de produits alimentaires sains, ainsi une plus grande disponibilité des fruits et légumes notamment au sein du foyer augmenterait leur consommation[13]. Il en est évidemment de même pour tous les lieux où la nourriture est disponible (ex : l’école).
Les revenus, le cout, et la catégorie socio-professionnelle
Ils vont jouer un rôle dans les choix alimentaires[14]. Cependant, le facteur le plus important est probablement le cout des aliments[15]. Ce cout conduit généralement vers des aliments riches en sucres et en graisses en raison de leur apport énergétique[16]. Dans leur revue de la littérature, French et Coll., (2003) ont montré que la réduction de prix d’aliments sains augmentait leur consommation. Ainsi, plus la réduction était importante, plus la consommation de ce type d’aliments augmentait ; les ventes pouvant même être multipliées par quatre.
Les institutions
Comme l’école, contribuent à la consommation d’aliments sains ; en effet, suivant ce qui est servi au « self » cela va impacter les choix de consommation. Un plus grand choix d’aliments sains comme une réduction du nombre de jours où les frites sont disponibles va, non seulement, conduire à une meilleur alimentation, mais aussi, à un plus grand respect des recommandations nutritionnelles[17]. Ainsi, une plus grande disponibilité et accessibilité, vis à vis des aliments sains, comme les fruits et légumes, au sein des institutions augmenterait leur consommation[18].
Les déterminants « intrinsèques »
Les préférences personnelles,
C’est à dire l’appréciation de certains aliments, et notamment le gout des aliments, seraient prédictrices de la consommation d’aliments sains[19]. En effet, plus l’aliment sera apprécié plus il sera consommé[20].
Nos connaissances personnelles en nutrition
Comme les informations nutritionnelles sur les packaging, influenceraient nos choix alimentaires, nous conduisent à choisir des aliments sains, notamment pour des considérations de santé[21]. Cependant, cela n’est pas toujours vrai puisque d’après certaines études menées sur une population d’adolescents, ce n’était pas le manque de connaissances qui les conduisaient à consommer de « la malbouffe », au détriment d’une alimentation saine, mais le fait qu’ils ne transposaient pas leurs connaissances dans leur pratique[22].
Les considérations santé
Les considérations santé peuvent avoir un impact important sur nos choix alimentaires, nous conduisant à la consommation de tel aliment plutôt qu’un autre. Cela a été mis en évidence par Wongprawmas et Coll. (2021). Dans leur étude menée sur une population italienne, les participants, interrogés sur leurs pratiques alimentaires, déclaraient faire leur choix en fonction des critères « santé » ; préférant même, pour cela, lire les étiquettes par eux-mêmes que faire confiance aux campagnes markéting[23]. Il était important pour eux de manger des aliments qui les maintiennent en bonne santé tout en respectant la disponibilité saisonnière. La prédominance du facteur santé a aussi été mise en évidence sur une population libanaise (450 participants, âgés de 18 à 72 ans), pour qui le choix se faisait plus sur des considérations de santé que sur des considérations économiques [24]. Il faut noter que les « allégations santé » sont aussi importantes, des études menées sur le sujet ont montré que la réduction de la teneur en sodium, en sucre et en matières grasses augmenterait l’acceptation par les consommateurs du « produit amélioré en terme de santé »[25].
Les croyances personnelles
Nos croyances personnelles vis à vis d’un aliment vont avoir un impact sur nos choix alimentaires. En effet, elles vont influencer notre attitude vis à vis de celui-ci, nous conduisant à consommer un aliment plutôt qu’un autre[26]. Selon Haerens et Coll. (2008), une attitude favorable pour la consommation de fruits et d’aliments « pauvre en gras » engendrera l’adoption d’une alimentation saine comme recommandée par le PNNS. Ce qui avait déjà été montré, pour la consommation de fruits et légumes, par Martens et Coll., (2005) sur des jeunes adolescents.
Les habitudes
Les habitudes de consommation influencent nos choix. Le fait de choisir fréquemment un aliment particulier va contribuer à sa consommation ; plus on consomme fréquemment un aliment sain, plus la répétition se fera facilement[27]. Ceci est particulièrement important chez les adolescents[28]. Ainsi, « c ‘est l’habitude et non l’intention qui devient facteur d’influence »[29].
Conclusion
Les choix alimentaires sont donc complexes, et nous l’avons vu influencés par différents facteurs. Si certains facteurs, d’autres au contraire sont des facteurs qui y contribuent.
Comprendre comment se font ces choix est capital pour agir sur le mode de consommation et faire tendre la population vers le choix d’une alimentation saine. Afin de promouvoir une alimentation saine, particulièrement auprès des jeunes, l’augmentation de l’offre, dans les écoles et /ou institutions, de repas sains à un prix abordable serait une solution fortement souhaitable, ce qui permettrait aux jeunes de tendre vers le choix d’une alimentation saine mais non moins savoureuse[30].
Références Bibliographiques
[1] Boucher et Coll., 2008
[2] Wongprawmas et Coll., 2021 ; Aune et Coll., 2017
[3] Guine et Coll., 2020 ; Plasek et Coll., 2020 ; Boucher et Coll., 2008 ; Contento et Coll., 2006 ; Story et Coll., 2002 Feunekes et Coll., 1998 ; Neumark-Sztainer et Coll., 1999
[4] Guine et Coll., 2020 ; Boucher, 2008 ; Bellisle, 2006
[5] Boucher et Coll., 2008
[6] Bassett et Coll., 2008 ; Fisher et Coll., 2002
[7] Haerens et Coll., 2008 ; Contento et Coll., 2006 ; Taylor et Coll., 2005 ; Skinner et Coll, 1998 ; Kirby et Coll., 1995 ; Baranowski et Coll., 1993
[8] Boucher et Coll., 2008
[9] Taylor et Coll, 2005 ; Fisher et Coll., 1999
[10] Taylor et Coll., 2005
[11] Feunekes et Coll., 1998 ; Lytle et Coll., 2003
[12] Boucher et Coll., 2008 ; Story et Coll., 2002 ; Wu et Coll., 2007
[13] Baranowski et Coll., 1993
[14] Taylor et Coll., 2005
[15] Taylor et Coll., 2005 ; Croll et Coll., 2001 ; Neumark-Sztainer et Coll., 1999
[16] French et Coll., 2003
[17] Nelson et Coll., 2007 ; Shepard et Coll., 2006
[18] Hearn et Coll., 1998
[19] Contento et Coll., 2006 ; Taylor et Coll., 2005 ; Story et Coll., 2002
[20] Baranowski et Coll., 1993
[21] Wongprawmas et Coll., 2021 ; Dinella et Coll., 2020 ; Boucher et Coll., 2008
[22] Croll et Coll, 2001
[23] Wongprawmas et Coll., 2021
[24] Boustani et Coll., 2020
[25] Plasek et Coll., 2020
[26] Boucher et Coll., 2008 ; Haerens et Coll., 2008 ; Martens et Coll., 2005
[27] Boucher et Coll., 2008
[28] Contento et al, 2006 ; Lytle et Coll, 2003
[29] Boucher et Coll., 2008 ; Godin et Coté, 2006
[30] Shepherd et Coll., 2006 ; 2001