Un sujet allergène : confusion, incompréhension et controverses
Comment se fait-il qu’un aliment nourrisse certains et rende malades d’autres ? Que l’ancestral mécanisme d’adaptation aux aliments ne fonctionne plus ? Que l’on constate une augmentation constante, voire inquiétante, notamment chez les enfants, de personnes mal ou malades d’avoir ingéré un aliment donné ? Souffrent-ils d’allergies ou d’intolérances alimentaires ?
La maladie cœliaque concerne 1 % de la population, les allergies de type 1, entre 4 % d’adultes et 8 % d’enfants, et l’hypersensibilité et l’intolérance alimentaires, pas moins de 35 %.
Pourquoi un tel problème de santé publique fait-il l’objet d’autant de confusion, d’incompréhension et de controverses ?
Tâchons de clarifier cet imbroglio fortement médiatisé. Commençons par définir les trois réactions (l’allergie, l’hypersensibilité, l’intolérance) entraînant des symptômes plus ou moins graves, suite à une ingestion alimentaire.
Comment différencier les allergies des intolérances alimentaires ?
L’allergie, appelée aussi de type 1, se déclenche quand un aliment protidique ingéré est considéré par le système immunitaire comme un ennemi : il est reconnu comme étant du « non-soi ». La réponse est immédiate ou presque : de quelques secondes à 30 minutes.
Quel est le mécanisme d’action des allergies ?
Première confusion, ce n’est pas la substance étrangère dite allergène, parfaitement inoffensive pour les non-allergiques, qui déclenche une allergie, mais une réaction excessive, mal régulée, du système immunitaire face à l’aliment incriminé.
Au contact de l’aliment, ce système de défense, par le biais de lymphocytes B, fabrique des anticorps ou immunoglobulines spécifiques (IgE).
Il s’agit de protéines produites par le système immunitaire, qui détectent l’aliment ennemi et libèrent des substances inflammatoires (l’histamine, la plus connue, entre autres).
Comment se manifestent les allergies ?
Il s’agit d’une réaction facilement reconnaissable, aux manifestations, symptômes et traitements connus, celle que tout le monde connaît et redoute.
La manifestation immédiate et aiguë va de l’œdème au choc anaphylactique en passant par toutes sortes de réactions respiratoires, oculaires, cutanées ou digestives.
L’allergie de type 1 est, certes, la plus grave, mais elle n’est pas la seule réaction défensive de l’organisme face à une ingestion alimentaire. Il existe un autre type d’allergie, désignée depuis peu, et pour une meilleure compréhension, par le terme « hypersensibilité ».
L’hypersensibilité alimentaire
L’hypersensibilité alimentaire (HSA), appelée aussi allergie de type 3, fait intervenir le système immunitaire et des immunoglobulines spécifiques, les IgG, distinctes des IgE de l’allergie de type 1.
Comme cette dernière, l’HSA est une réaction immunitaire inappropriée ou activation anormale du système immunitaire envers certains aliments, notamment les plus inflammatoires : la protéine du blé, le gluten, et celle du lait, la caséine.
Plusieurs paramètres distinguent l’hypersensibilité des allergies et des intolérances alimentaires
Une réaction retardée
Concernant l’HSA, la réaction est retardée (de 3h à 3 jours après l’ingestion). Elle entraîne une réponse moins rapide et moins violente, mais plus complexe et plus diffuse : l’organisme s’est sensibilisé contre certains aliments et a fabriqué des anticorps mémoire, les IgG.
Des symptômes disparates
Les symptômes sont beaucoup plus vagues, plus sournois, d’où une plus grande difficulté à diagnostiquer une HSA :
- maladies infectieuses ORL chroniques : otite séreuse, rhinite, sinusite, fragilité bronchique, asthme…
- troubles digestifs : ballonnements, gaz, colites, constipations ou diarrhées chroniques…
- pathologies cutanées : eczéma, acnés, psoriasis, démangeaisons, peau sèche, rougeurs…
- pathologies articulaires ou musculaires, voire arthrite,
- pathologies neurologiques : migraines, maux de tête, vertiges, somnolence, jusqu’à des signes dépressifs ou des problèmes d’hyperactivité, ou encore fibromyalgie, autisme…
- maladies auto-immunes, etc.
HSA : une maladie sans risque vital mais handicapante
Autrement dit, des maladies qui n’entraînent certes pas la mort, mais qui restent graves et surtout handicapantes.
L’HSA est sans risque vital (pas d’œdème de Quincke ni de choc anaphylactique) et il n’existe pas de traitements médicamenteux spécifiques pour ce type d’allergie, sinon l’éviction-test sur une période donnée.
Le cas de gluten : allergie, hypersensibilité ou intolérance alimentaire ?
Arrêtons-nous quelques instants sur le gluten, pour lequel il existe trois tableaux différents : la maladie cœliaque, l’allergie au gluten et l’HSA au gluten.
La maladie cœliaque, maladie auto-immune qui détruit les villosités de l’intestin, et l’allergie de type 1 au gluten sont aujourd’hui bien reconnues. En revanche, l’HSA au gluten, pourtant la plus fréquente, est fort mal comprise et fait sans cesse l’objet de controverses.
Cette dernière n’a pas de phénomènes allergiques typiques, auto-immuns ou encore lésionnels, ni même de marqueurs spécifiques fiables, d’où sa grande difficulté à être démontrée et reconnue.
Pourtant, l’HSA au gluten fait l’objet de nombreuses observations médicales, elle est une réalité clinique pour de nombreux patients : ballonnements, flatulences, diarrhées, colites, mais aussi céphalées, état de léthargie, déficit de l’attention, dépression.
L’HSA est le plus souvent mal comprise. Il n’est pas exclu que cette situation soit due à une certaine confusion, à un problème de définition entre allergie et HSA, mais aussi entre HSA et intolérances alimentaires.
Les intolérances alimentaires
Les intolérances alimentaires ne sont pas des allergies, mais une malabsorption. Elles n’entraînent pas de réaction immunitaire, mais enzymatique.
La réaction arrive après 30 minutes et jusqu’à environ 2 heures après ingestion. Elle peut aussi s’inscrire dans la durée si le ou les aliments sont consommés régulièrement. La réaction peut également être progressive en cas d’hyperperméabilité intestinale. Quant aux symptômes, ils sont essentiellement digestifs.
Quels sont les mécanismes à l’oeuvre dans les intolérances alimentaires ?
Pour être correctement digérés, les aliments ont besoin d’enzymes spécifiques, comme la lactase pour digérer le lactose (le sucre du lait), ou de mécanismes d’absorption particuliers.
C’est notamment le cas du fructose, contenu moins dans les fruits que dans les sirops industriels à bas coût utilisés en quantité croissante dans la fabrication d’aliments ultra-transformés.
Concernant le lactose, si la lactase est déficiente ou absente, le lactose ne sera pas correctement digéré, sinon par fermentation par les bactéries intestinales, ce qui entraîne ballonnements et gaz.
Le cas de FODMAPs (Fermentable by colonic bacteria Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides And Polyols)
Il en est de même pour les FODMAPs, ou fibres fermentescibles, contenus dans bon nombre d’aliments. Parmi eux, les fructanes du blé qui, en cas d’intolérance, entraînent des symptômes semblables à ceux d’une HSA au gluten, bien que la réaction soit différente.
De même qu’une intolérance au lactose peut coexister avec une HSA à la caséine des produits laitiers. Les deux mécanismes peuvent s’influencer : une HSA au gluten non résolue peut entraîner une intolérance au lactose, au fructose ou aux FODMAPs.
Les mécanismes intriqués peuvent en effet s’amplifier les uns les autres : à partir du moment où il y a inflammation intestinale, la paroi intestinale perd en perméabilité et c’est la porte ouverte aux phénomènes allergiques.
Une malabsorption réversible
Revenons à nos intolérances alimentaires. Malabsorbés, le lactose, le fructose ou encore les FODMAPs entraînent, entre autres symptômes diffus comme ceux de l’HSA, une inflammation de l’intestin qui, à son tour, peut donner lieu à une HSA.
Une réaction en chaîne de plus en plus fréquente. Néanmoins, les intolérances sont réversibles : en retirant de son alimentation l’aliment à l’origine de l’intolérance, le temps de réparer sa muqueuse intestinale, l’aliment pourra être réintroduit progressivement, sans plus provoquer d’intolérance.
En revanche, gare aux évictions complètes et sur la durée : sauf maladie cœliaque et allergies de type 1 au gluten et/ou à la caséine par exemple, il est recommandé de ne jamais supprimer complètement les protéines du blé ni celles du lait. Sans quoi, hypersensibilité alimentaire garantie.
L’essentiel à retenir pour éviter les intolérances alimentaires
Le Dr Seignalet, biologiste et médecin, spécialiste de l’immunité et auteur du livre L’Alimentation ou la troisième médecine, aurait parlé d’inadaptation du système immunitaire aux aliments « modernes », industriels, mais aussi récents au vu de l’histoire alimentaire de l’humanité (sédentarité, élevage…).
Au lieu de nourrir, certains aliments deviennent source d’inflammation. Il s’agit d’ailleurs des aliments les plus consommés, les plus appréciés : à base de céréales à gluten, de lait, d’œufs, de fruits à coque, de coquillages et crustacés, etc.
Pourquoi le système immunitaire en arrive à les prendre pour cible et les attaquer ? Le Dr D’Oro spécialiste en rhumatologie et en médecine physique et sportive, donne les conseils suivants :
1. Il faut bien mâcher vos aliments
Un aliment digéré de manière incomplète, autrement dit, qui n’a pas été suffisamment mâché, peut potentiellement devenir un ennemi pour l’organisme. Pour prévenir cet état de fait, il est indiqué de mastiquer suffisamment et de préférence dans le calme, afin de permettre à un aliment de se présenter sous sa forme la plus simple devant la grande barrière intestinale, et ainsi ne plus être considéré comme un antigène une fois passé dans le sang.
2. Préserver vos muqueuses intestinales saines
Endommagée ou pire, hyperperméable, cette barrière ne peut plus retenir les molécules alimentaires mal digérées. Ni les autres molécules toxiniques (propres à l’organisme, issues de la dégradation) et toxiques (résidus médicamenteux, métaux lourds, etc.) qui n’ont rien à faire dans l’organisme. À l’inverse, une muqueuse intestinale saine leur barre le chemin, et ces molécules finissent alors dans les selles.
3. Réduire la consommation d’aliments ultra-transformées
Un microbiote perturbé, à l’écosystème déséquilibré, est un milieu fragilisé, où la tolérance naturelle aux aliments s’amoindrit. L’hypersensibilité et les intolérances alimentaires contribuent à cette altération, de même que la qualité des aliments ingérés.
En effet, les aliments ultra-transformés, les additifs alimentaires, les pesticides ou encore les médicaments tendent à favoriser la perméabilité intestinale et à dégrader la qualité du microbiote.
En définitive, il s’agit avant tout de préserver l’étanchéité de la barrière intestinale et la qualité du microbiote, notamment, en mastiquant suffisamment et en privilégiant les fibres d’une alimentation végétale, vraie et variée, selon la règle des 3V d’Anthony Fardet.
Bonjour,
Whouaaaaaaa !
Merci pour ces explications.
J’y vois plus claire et sur ces années d’errance médicales.
Si les docteurs pouvaient ouvrir les connaissances et arrêter de systématiquement mettre les gens sous cachets sans chercher à comprendre….
Merci pour toutes ces informations très utiles, moi-même je suis sujet,d’une HSA,je voulais juste savoir,,si certains aliments mal tolérés,une fois ingérés, peuvent provoquer une augmentation de la tension artérielle, merci de votre réponse.
Bonjour,
Les articles universitaires et études disponibles ne semblent pas indiquer de corrélation particulière entre les allergies alimentaires, ou les intolérances alimentaires, et l’hypertension artérielle.