Un enjeu devenu polymorphe
Le gaspillage alimentaire consiste à perdre, à jeter ou à dégrader des aliments comestibles, parfaitement propres à la consommation.
Ce phénomène touche toute la chaîne d’approvisionnement : de la production (32%) à la consommation (33%), en passant par la transformation (21%) et la distribution (14%).
Cette problématique est d’autant plus d’actualité avec le confinement que connaissent beaucoup d’entre nous en ce mois de Mars 2020.
En chiffres
Le gaspillage alimentaire impacte aujourd’hui quantité de champs : sociétal, éthique, environnemental, économique, sanitaire, etc.
En France, 10 millions de tonnes de nourriture sont gaspillés par an.
Soit 150 kg par personne et par an (dont 30 kg en bout de chaîne, au niveau des ménages, parmi lesquels 7 ne sont pas déballés).
Autrement dit, chaque année, un tiers de la production totale part à la poubelle. D’un point de vue économique, le gaspillage alimentaire est estimé à 16 milliards d’euros, soit environ 100 euros par personne et par an.
Au niveau environnemental
Gaspiller équivaut à 15,3 millions de tonnes équivalent CO2, un facteur conséquent de réchauffement climatique. Produire requiert quantité d’eau et d’énergie. Ceci génère beaucoup de pollution de l’air, des sols et des eaux (intrants, trafic routier, gestion des déchets, etc.).
Rien qu’en France, le coût de cette « mauvaise habitude », pour le contribuable comme pour la planète, est considérable.
Enfin, sur le plan éthique, aujourd’hui, avec ce que jette la seule Europe, il serait possible de nourrir 1 milliard d’individus. Cela représente l’intégralité des personnes souffrant de malnutrition à l’échelle mondiale.
Le règne du « tout jetable »
Que s’est-il passé pour en arriver là ? Après les Trente Glorieuses, la nourriture a été produite en abondance. Elle s’est alors banalisée et a considérablement perdu de sa valeur (tant marchande qu’intrinsèque).
Depuis 50 ans, les habitudes alimentaires ont aussi beaucoup changé. Industrialisation et externalisation des repas ont fortement modifié le rapport à la nourriture.
Nous avons passé d’une préparation domestique des denrées (de l’approvisionnement à la préparation) à une distanciation des aliments de base devenus de plus en plus transformés, voire aujourd’hui, ultra-transformés.
Comment réduire le gaspillage alimentaire ?
L’année 2014 a été décrétée « année européenne de lutte contre le gaspillage alimentaire », tandis qu’en France et en 2016, une loi (dite Garot) a été votée, interdisant à la grande distribution de détruire ou de rendre impropre à la consommation les denrées invendues et en les obligeant à les céder gratuitement à des associations d’aide alimentaire.
L’objectif étant de réduire drastiquement ce gaspillage, tant dans la distribution alimentaire que dans la restauration collective. La loi vise aussi à renforcer les actions d’éducation et de sensibilisation.
De l’assiette à la planète
Développer l’éducation à l’alimentation et au goût permet de changer les représentations et les pratiques de consommation.
Producteur, détaillant comme consommateur devraient par exemple considérer qu’un fruit visuellement imparfait ou hors calibre est un fruit qui a autant de valeur qu’un autre et toute sa place sur l’étal d’un supermarché comme à table. Mais le chemin pour l’envisager ainsi reste encore à faire.
De nombreuses initiatives et associations y contribuent, afin notamment de mener un travail de sensibilisation au sein de la restauration collective (cantines scolaires, hôpitaux, etc.) ou commerciale (buffets à volonté, restaurants, etc.).
L’affaire de tous
Tout un chacun, à chaque maillon de la chaîne, est acteur et peut jouer un rôle dans cette lutte. Revoir les quotas, de pêche notamment, calculés par des algorithmes aux logiques plus économiques qu’écologiques. Repenser les besoins dits projetés en termes de gestion des commandes dans la grande distribution. Dépasser sa peur de manquer au moment de faire ses courses. Se rappeler que l’adage « avoir les yeux plus gros que le ventre » au moment de se servir à la cantine ou de commander au restaurant est, le plus souvent, un leurre. Conserver ses restes plutôt que de les jeter à la poubelle faute, croit-on, de temps ou d’astuces pour les cuisiner, etc.
Lutter contre le gaspillage alimentaire en pratique en bout de chaîne : à la maison
Le mieux reste de planifier tant ses menus que ses courses. Cela permet de ne pas laisser place à l’improvisation, particulièrement propice au gaspillage.
Avant d’aller faire ses courses, nous vous recommandons de faire un inventaire de ses placards, réfrigérateur et congélateur, puis de lister ce qu’il est nécessaire de réapprovisionner.
Autres astuces anti-gaspi au moment de faire ses courses
- Ne pas faire ses courses le ventre vide. Cela pousse généralement à faire des achats impulsifs et irréfléchis, risquant d’être jetés une fois la faim rassasiée.
- Ne pas céder aux sirènes des offres promotionnelles, aux quantités souvent excessives par rapport à ce qui est réellement consommé.
- Commencer ses achats par le sec (épicerie), continuer par le frais (fruits, légumes, fromages, etc.). Terminer par le surgelé, afin de ne pas rompre la chaîne du froid. Procéder dans le sens inverse pour ranger ses courses une fois rentré.e chez soi.
Dans la cuisine
Il est important de distinguer les différentes informations de conservation. Il existe deux types de dates de péremption, l’une sanitaire, l’autre informative :
- DLC ou Date Limite de Consommation, qui indique « à consommer jusqu’au » et signifie qu’au-delà de cette date, le produit ne peut plus être vendu ni consommé au risque de provoquer une intoxication alimentaire.
- DDM (anciennement DLUO) ou Date de Durabilité Minimale, qui invite le consommateur « à consommer de préférence avant le », suivi d’une indication temporelle informant que passé celle-ci, le produit aura potentiellement perdu en qualités gustatives ou nutritionnelles, mais reste consommable sans risque.
Autres astuces anti-gaspi dans la cuisine
- Ranger correctement son réfrigérateur, pour mieux conserver les aliments : en haut (zone froide), ce qui est cru et se périme rapidement, au milieu (zone fraîche), ce qui est cuit, en bas (bac à légumes), les fruits et légumes frais, enfin dans la porte, les boissons, ainsi que les condiments (moutarde, etc.).
- Emballer avec des contenants réutilisables ses aliments frais, déballés ou cuisinés dans son réfrigérateur, afin qu’ils se conservent mieux.
- Indiquer la date d’ouverture d’un produit sur l’emballage pour une meilleure visibilité de sa conservation.
- Transformer les produits à DLC limite ou les aliments abîmés : fruits en compote, légumes en soupe ou en gratin, fromage en fondue ou en gratiné, viande en hachis, en ragoût ou en potée, pain en pain perdu, en pudding ou en chapelure, pâtes ou riz en salade, etc.
- Prévoir de cuisiner les justes quantités, en fonction du nombre de convives, en s’interrogeant sur son rapport au plaisir, à ses proches ou ses invités ou pratiquer la technique du batch cooking.
- Cuisiner les restes, en les agrémentant à votre goût (les recettes et astuces culinaires abondent sur Internet).
- Congeler les aliments avant leur péremption, afin d’allonger leur durée de vie, sous réserve qu’ils n’aient pas déjà été congelés. Nous vous conseillons alors de changer l’emballage d’origine pour un adapté à la congélation.
- Faire régulièrement l’inventaire de son stock (placards, réfrigérateur, congélateur), afin de prévenir les pertes.
- Séparer les fruits un peu abîmés des autres, pour prévenir une possible contamination.
À table et individuellement, nous conseillons de moins remplir son assiette. Quitte à se resservir si la satiété n’est pas atteinte.
Au restaurant, si vous êtes rassasié.e avant d’avoir terminé votre plat, demandez un doggy bag, une mise en boîte à emporter des restes qui deviendra au 1er juillet 2021 une obligation légale pour la restauration commerciale.
Pour aller plus loin
Vous pouvez rejoindre des associations qui luttent contre le gaspillage alimentaire, imaginer des initiatives individuelles ou collectives, sensibiliser autour de vous, ou encore participer aux MOOCs sur la question.
Pour véritablement lutter contre le gaspillage alimentaire, prise de conscience en amont et changement des comportements doivent se faire à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement, de la production à la consommation.
La logique de marché qui prévaut aujourd’hui deviendrait alors une logique d’économie des ressources. Ces dernières seront demain de plus en plus rares et précieuses. Dès lors, autant s’y mettre maintenant.