Retrouver et cuisiner les légumes oubliés

Depuis toujours et sous toutes les latitudes, la variété des légumes (feuilles, à fleur, racines ou cucurbitacées) est immense. On en compte plusieurs milliers. En fonction des époques et des régions, l’offre, la demande et les goûts des consommateurs en ont favorisé certains et fait disparaître d’autres. Et, comme tout phénomène de mode, certains légumes oubliés réapparaissent. C’est le cas notamment grâce à quelques grands chefs, qui leur ont redonné vie, pour se retrouver dans la foulée sur les étals et dans les assiettes.

Parmi ces légumes oubliés, certains ont refait surface pour devenir aujourd’hui familiers, comme le panais, largement consommé au Moyen-Âge. Ce dernier a été supplanté avec l’arrivée de la pomme de terre au 18e siècle. Le topinambour et le rutabaga ont, eux, pâti d’avoir été les rares légumes disponibles, abondants et non réquisitionnés, contrairement à la pomme de terre. Ils ont été, de fait, rebutés après-guerre et pendant des décennies.

Des légumes oubliés racines suspendus

Légumes-racines

Ces légumes oubliés sont, pour la plupart, des légumes-racines, autrement dit, qui poussent sous terre. Ce sont pourtant des espèces plus résistantes au gel et aux insectes. Ce sont aussi des légumes qui se conservent plus longtemps une fois déracinés. Le panais, le topinambour, le rutabaga, mais aussi le crosne (un rhizome), la vitelotte (la patate violette), le cerfeuil tubéreux ou encore le scorsonère sont autant de légumes ressortis plus ou moins récemment de terre.

Les autres sont issus de plantes potagères ou herbacées, comme le cardon ou carde, proche de l’artichaut. L’arroche est comparable à l’épinard et le raifort est préparé à partir de sa racine. Il y a aussi la grande famille des cucurbitacées, à savoir ces courges de toutes formes et de toutes saveurs : spaghetti, butternut ou courge musquée, pâtisson, etc. Enfin, nous trouvons des plantes herbacées comme l’ortie, longtemps associée à une mauvaise herbe.

Apports nutritionnels des légumes oubliés

Tous ces légumes abondent de nutriments essentiels, comme les fibres solubles et insolubles, et notamment l’inuline (scorsonère, topinambour, cardon, panais). On en connaît, aujourd’hui, les bienfaits pour la santé intestinale. Les cucurbitacées remportent, quant à eux, la palme de la teneur en antioxydants, le raifort, en vitamine C, et l’ortie, du pouvoir reminéralisant. Dans l’ensemble, ces légumes sont riches en minéraux. Certains, en revanche, le sont plus que d’autres en glucides : le scorsonère, le topinambour et le panais, plus encore une fois cuits.

La traditionnelle pomme de terre paraît bien fade au niveau nutritionnel comparée à des légumes oubliés semblables en termes de texture, tels que le panais et la vitelotte. Le premier est bien plus riche en minéraux et en fibres. La seconde, outre sa meilleure qualité gustative, n’absorbe que peu de graisses lors de la cuisson, contrairement à la patate classique.

Des légumes oubliés en cuisine

Cuisiner les légumes oubliés

La saisonnalité automnale et hivernale de ces légumes oubliés est l’occasion de varier l’offre saisonnière plus classique, et quelquefois monotone, comme les choux, les poireaux, les carottes, etc.

Les manières de les cuisiner sont aussi d’une grande diversité.

– Finement râpés : panais, cerfeuil tubéreux.

– En salade vinaigrée : jeunes pousses d’arroche, cardon (cuit et refroidi).

– En beignets : scorsonère (précuit).

– Braisés en dés, préparés en soupe ou en velouté, en purée, potée ou gratin, légumes à couscous ou à pot-au-feu : panais, cardon, crosne et scorsonère (précuits), pâtisson, butternut.

– Précuits à la vapeur ou jetés quelques instants dans une poêle chaude et consommés tels quels, en tarte ou en omelette : arroche (pousses plus matures), cardon.

– Huilés et cuits au four, comme des frites : panais, butternut.

– Mariné au vinaigre ou lacto-fermenté : crosne.

– En dessert : cardon blanchi en confiture, pâtisson dans la préparation d’un cake au chocolat par exemple.

– En infusion : arroche (laxative), ortie (reminéralisante).

Des légumes sur une étal de marché

Particularités :

Le cerfeuil tubéreux ne doit pas être trop cuit, sans quoi, sa chair en devient farineuse. De fait, il peut tout à fait venir épaissir une soupe, en remplacement d’une pomme de terre. Attention, les feuilles du cerfeuil tubéreux sont toxiques.

L’ortie requiert la précaution de se munir de gants pour la manipuler : ses tiges piquent, un aspect urticant qui disparaît complètement à la cuisson. Elle aussi est semblable, sur le plan culinaire, à l’épinard.

Le raifort a un usage plus condimentaire, du fait de sa saveur poivrée et piquante : ce « wasabi alsacien » remplacera la moutarde, en venant relever un plat qui en aura besoin.

Comme tout légume-racine, ceux oubliés gagnent à être cuits de manière douce (maximum 100-110°C) et brève. D’une part, il s’agit d’en préserver toutes les qualités nutritionnelles et, d’autre part, de ne pas trop élever leur indice glycémique.

Enfin, moins ils seront transformés, plus intéressants pour la santé ils seront. Les cuire doucement et brièvement, sans trop les réduire en purée, permet de préserver leur précieuse matrice. Quant à leurs nutriments protecteurs, ils se trouvent surtout dans leur peau : aussi, en bio, brosser ces légumes retrouvés, plutôt que de leur retirer leurs bienfaits.

Comment trouver des légumes oubliés

Il y a quelques années, les étals des marchés et des supermarchés offraient de « nouvelles » formes ou couleurs de tomates, venant supplanter les traditionnelles rondes bien calibrées : la noire de Crimée, la cœur de bœuf, la cornue des Andes, la tomate ananas, la Green Zebra, etc. Ces dernières n’étaient autres que des variétés anciennes, oubliées. Aujourd’hui, cette bigarrure est devenue familière. Peut-être en sera-t-il autant, un jour, pour la betterave crapaudine à la peau ridée, la fève d’Aguadulce aux grosses causses, le pourpier doré ou « pied de poule » ou encore, le tétragone pourtant exempt de maladies et le yacon, appelé aussi « poire de terre ».

Ces légumes, oubliés et pourtant la base de nos aïeux durant des siècles, apportent autant en termes de qualités nutritionnelles que de goûts authentiques. Ils offrent en outre une diversité bienvenue pour changer des légumes traditionnels. Reste à les trouver sur les étals des marchés. Il se trouve que certains producteurs en bio ont, et de plus en plus, cette volonté de remettre au goût du jour ces légumes oubliés.

Julie Lioré

L'auteur :
Julie Lioré

Julie Lioré est docteure en anthropologie et naturopathe.

Après plusieurs années de recherches appliquées sur les comportements alimentaires des jeunes, l’approche préventive et holistique de la naturopathie est venue compléter l’expertise du point de vue du corps et de la santé.

De cette approche transversale est née L’École des Aliments, un blog de pédagogie alimentaire sur lequel sont publiés des articles autour de l’interdépendance entre aliment, corps, santé et environnement.

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