Selon Santé publique France : « s’engager en faveur de la santé du jeune enfant est une nécessité ».
Comme le souligne l’association Le Grand Forum Blédina, dans son manifeste par les 1000 premiers jours de vie » , il est maintenant reconnu que la période des 1000 jours, allant de la conception de l’enfant à l’âge de deux ans, est une « période d’importance critique » pour favoriser la bonne croissance, la santé, le développement comportemental, émotionnel et cognitif de l’enfant ».
Les événements survenant durant ce laps de temps expliqueraient l’apparition future de maladies chroniques et / ou métaboliques, notamment à l’âge adulte ; d’où l’importance d’y porter une attention particulière.
Importance des 1000 jours
Cette période est si importante que l’UNICEF a lancé un programme des « 1000 premiers jours » afin de mettre en place des stratégies visant au bon développement de l’enfant. l’UNICEF mentionne, dans un des ses articles, que c’est au cours de cette période de vie que tout se joue ; notamment pour le développement cérébral ; les connexions neuronales se formant au cours de cette période.
Avant l’âge de trois ans, le cerveau peut former jusqu’à 1000 connexions neuronales par seconde ! Ces connexions neuronales vont avoir un impact sur le développement cognitif puisque c’est pendant cette période-clé que le nourrisson va acquérir les bases qui lui permettront par la suite d’apprendre et même de s’épanouir.
Comment l’environnement impacte les gènes et le développement fœtal
Au cours de cette période de vie, l’environnement va impacter le développement fœtal mais aussi celui du nouveau-né en ayant une incidence sur l’expression de son « génome » ; c’est ce qu’on appelle l’ épigénétique.
Durant cette période développementale, les gènes vont être très sensibles à l’environnement qui va conditionner l’expression ou l’extinction de certains d’entre-eux. Des corrélations ont été établies entre les événements survenus au cours de cette période charnière et le développement de certaines pathologies à l’âge adulte.
Ainsi, par exemple, une obésité maternelle pourra avoir pour conséquence l’apparition, à l’âge adulte, d’un diabète, d’une résistance à l’insuline et d’une obésité. Les conséquences de ces modifications épigénétiques sur le développement du « jeune enfant » laisseront une emprunte indélébile au long cours, cependant ces modifications pourront être réversibles (pour les génération futures) si on agit sur l’environnement.
Les marqueurs épigénétiques sont donc potentiellement réversibles. Rien n’est donc irrémédiable, il nous est donc possible, d’influencer « notre biologie », ce qui est une bonne nouvelle, notamment pour les futures générations, afin de sortir du cercle vicieux des « familles à risques ».
Les 1000 premiers jours avec Santé Publique France
Les 1000 jours sont d’une telle importance que le gouvernement et le Président de la république Emmanuel Macron en 2019, ont lancé une commission « 1000 premiers jours » réunissant des experts.
Leurs travaux ont abouti à un rapport sorti en 2020 : la France dans sa politique de santé, doit considérer et faire en sorte que ces 1000 jours deviennent une « priorité de l’action publique ».
Pour ce faire, sera principalement mis en place un accompagnement personnalisé dès le 4ème mois de grossesse afin d’aider les futurs parents, notamment la future mère à vivre au mieux sa grossesse et les premières années de vie de son enfant . Le but étant de leur apporter une réponse adaptée à leurs besoins.
L’importance de l’alimentation
La période des 1000 premiers jours est une période cruciale dans le développent du futur enfant, et l’alimentation, de la mère pendant sa grossesse mais aussi celle du nouveau né joue un rôle très important. En effet, celle-ci, est impliquée dans le développement de pathologies métaboliques et chronique que l’on peut notamment voire apparaître à l’âge adulte. Nestle atteste de cette relation étroite entre l’alimentation de la mère au cours de la grossesse et le développement du jeune enfant au cours de ses premières années de vie mais aussi tout au long de sa vie d’adulte.
Le rôle majeur de l’alimentation au cours de cette période charnière s’explique, en partie, par le fait qu’il faut énormément d’énergie pour soutenir l’intense activité cérébrale des 1000 premiers jours de vie : 50 à 75 % de la nourriture ingérée par le nourrisson serait utilisée à cet effet. Pour cette raison, un apport alimentaire insuffisant, tant sur la quantité que la qualité nutritionnelle, va occasionner chez le futur enfant des retards de développement et de croissance. La qualité nutritionnelle (besoins couverts convenablement) n’impacte pas seulement le développement cérébral mais est aussi impliquée dans l’apparition, à l’âge adulte, de maladies chroniques et métaboliques, tels que les troubles cardiovasculaires et le diabète. Il en est de même pour une sur-alimentation.
Ainsi, si une sur-alimentation de la mère, au cours de la grossesse, peut provoquer l’apparition d’un diabète et / ou d’une obésité « tardive » , la non satisfaction de ses besoins nutritionnels (voire même l’absence) peut avoir pour conséquences des « naissances prématurées, une insuffisance pondérale chez le nouveau-né et un retard de développent cognitif ». Une bonne alimentation étant le garant d’un bon développement cognitif : il est aujourd’hui bien établi qu’une « mauvaise alimentation » (sur-nutrition, carences voire famines) est à l’origine de l’émergence dans le futur de ce type de maladies.
Pour illustrer…
Suite à la famine en Hollande occasionnée par le seconde guerre mondiale, une étude sur 2400 individus a montré que les enfants nés de mères ayant subi la famine, ont développés plus de maladies métaboliques et de troubles cardiovasculaires que ceux nés de mères n’ayant pas subi cette famine .
D’autre part, les enfants nés de femmes « obèses » ont plus de risques de développer un diabète et /ou une obésité au cours de leur vie, , le risque pouvant être multiplié par trois. De plus, il existerait un lien entre l’IMC de la mère et le tour de taille , le rapport taille /hanche, et l’insulino-résistance retrouvés plus élevés chez les adolescents nés de ces mères.
Ceci est dû au fait que, l’alimentation de la mère va influencer le métabolisme de son enfant, ce qui va impacter l’expression de certains gènes avec pour conséquences des répercussions durables qui pourront être modifiées qu’à la prochaine génération.
Si l’alimentation est importante au cours de la période intra-utérine, elle l’est tout autant au cours des premières années de vie. Il faut donc veiller à un bon apport nutritionnel mais aussi à la diversification alimentaire. Plus l’alimentation est diversifiée dès le plus jeune âge, plus l’adulte aura une alimentation équilibrée, ce qui sera la clé de « sa bonne santé »
L’alimentation maternelle doit donc être la plus diversifiée possible, ce qui permettra l’acceptation par le nouveau-né de différentes saveurs puisque c’est au cours de cette période que se forme les préférences alimentaires. Concernant l’alimentation post-natale, il a pu être observé que le lait maternel comparativement au lait maternisé avait des vertus protectrices contre l’obésité (diminution de 15 % de l’incidence du surpoids chez les enfants allaités). Ceci pourrait être s’expliquer, d’une part par le fait que la constitution du lait n’est pas la même, (protéines, graisses..) ; d’autre part par le fait que la « prise au sein » permettrait au nouveau-né de s’auto-réguler de manière plus efficace.
Au cours de la période des 1000 jours, un apport insuffisant en certains types de nutriments ou au contraire un sur-apport en d’autres nutriments vont avoir des répercussions considérables sur le développement et la santé de l’enfant, il est donc d’une importance capitale d’y faire attention , et cela à chacune des étapes importantes des 1000 jours.
Afin d’aider les familles dans ce sens, l’association Le Grand Forum des Tout-petits dont l’AFPA faisait partie, ont fait des recommandations dans leur manifeste pour chacune de ces étapes. Ainsi, il est important d’avoir un apport en vitamines B9 et calcium suffisant, de prévenir les carences en vitamines D, fer, oméga 3 et en iode, de manger équilibré et varié avec un bon apport en fruits et légumes ; et d’éviter les prises de poids importantes.
En dehors de l’apport nutritionnel, il faut aussi veiller à ne pas donner d’aliments contaminés, une précaution particulière doit être prise au cours de cette période. En effet, les « contaminants » apportés par l’alimentation pourraient entraver le développement du foetus, notamment son développement cérébral ; c’est ce qui explique les normes strictes qui encadrent l’alimentation infantile et auxquelles toutes industries agro-alimentaires sont soumises.
Si il a clairement été établi un lien entre alimentation de la mère le développement de diabète et / ou d’obésité à l’âge adulte chez l’enfant né de mère « obèses » , il est aujourd’hui reconnu que l’alimentation du père jouerait aussi un rôle dans le développement des maladies métaboliques du futur enfant. Ainsi, un père ayant une alimentation riche en graisses conduirait à l’apparition d’un obésité et d’un diabète chez l’enfant de sexe féminin.
Conclusion
L’environnement peut modifier « durablement » notre biologie au long cours. Son impact est beaucoup plus important durant les 1000 premiers jours de vie ; ce qui rend cette période de vie particulièrement cruciale. Il est donc important d’y prêter une attention particulière , notamment à l’alimentation, puisque une « bonne alimentation » est la cause d’un bon développement . Fort heureusement, après cette période charnière et cruciale, il est encore possible pour chacun d’entre nous d’agir.
En effet, quelque soit l’âge les mesures de prévention sont et seront toujours utiles. Ce qui, en revanche, est à prendre en compte, ce que souligne le « manifeste des 1000 jours », c’est que si cette fenêtre de temps est bien considérée, et qu’elle est utilisée de manière adéquate dans les «stratégies de préventions nutritionnelles», elle doit « permettre à terme de réduire les « dépenses de réparation » » et relever le défi de l’explosion des maladies chroniques auquel aucun système de santé ne pourra faire face » dans l’avenir.
Il est capital de noter que l’importance de cette période des « 1000 jours » dans le développement et la protection des maladies fait consensus : « Plus de 130 000 publications scientifiques rapportent l’importance de cette période des 1 000 premiers jours de vie quant au risque métabolique sur le long terme et donc à l’influence sur la santé future ». C’est pour toutes ces raisons que les 1000 premiers jours de vie son un véritable « enjeu de santé publique ». Pour terminer je reprendrai les mots de l’UNICEF :
« Investir dans la petite enfance c’est investir dans l’avenir ».
Cette phrase parle d’elle-même et n’appelle aucun commentaire.
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