MICHEL DURU (agronome, chargé de mission à INRAE et membre du comité d’experts Siga)
Les produits animaux sont souvent considérés pour leurs impacts sur l’environnement (émissions de gaz à effet de serre) ou la santé (excès de consommation de viande rouge et cancer, véganisme et manque de vitamine B12). C’est oublier que la composition nutritionnelle des produits bruts (viandes, laitages et œufs) est généralement très variable selon les modes d’élevage, et ce bien plus que ne l’est la composition des produits végétaux en fonction des pratiques agricoles.
C’est en particulier le cas pour les omega 3 qui sont des acides gras poly-insaturés indispensables car nous ne les fabriquons pas. Notre régime alimentaire en est très déficitaire alors qu’ils jouent un rôle clef pour notre santé. Mieux connaître leurs rôles, identifier les modes d’élevage permettant de mettre en marché des produits richement pourvus en ces acides gras et savoir les reconnaître pour une alimentation équilibrée, tels sont les objectifs de cette note.
Les acides gras : un enjeu de santé publique
Les impacts de l’agriculture et de l’alimentation sur la santé humaine sont fortement médiatisés depuis longtemps pour les acides gras saturés. En revanche, une attention moindre a été accordée aux acides gras polyinsaturés dont les apports et équilibres dépendent beaucoup des modes d’alimentation des animaux d’élevage, des matières grasses utilisées par l’industrie agroalimentaire et des huiles utilisées par le consommateur. Nombre d’auteurs attirent l’attention sur les enjeux de santé publique liés à la modification en profondeur du profil en acides gras de l’assiette dans les pays occidentaux, du fait des changements de pratiques agricoles, de processus industriels et de modes de consommation depuis la moitié du 20e siècle).
Quels sont les acides gras polyinsaturés indispensables à notre santé?
On distingue deux familles :
– les omégas-3, dont l’acide alpha-linolénique (ALA) qui est le précurseur des acides docosahexaénoïque (DHA) et eicosapentaénoïque (EPA), des acides gras à très longue chaîne. Le DHA et l’EPA ne sont présents que dans les produits animaux.
– les omégas-6 dont le principal est l’acide linoléique (LA).
Quelles sont les recommandations et les consommations
Les besoins physiologiques sont respectivement est de 1,8 et 4,4 g/ jour pour l’ALA et le LA dans le cas d’un apport énergétique de 2 200 kcal. Les apports recommandés ont été fixés à 2,2 et 8,8g/jour. Pour l’EPA et le DHA, ils sont de 500 mg/j pour.
Le rapport LA / ALA ne doit pas être trop élevé pour éviter la compétition entre les deux familles pour la synthèse et la disponibilité de l’EPA et du DHA, surtout lorsque les apports en EPA et DHA ne sont pas satisfaits. Pour cette raison il est recommandé d’avoir un rapport LA / ALA ne dépassant pas 5 (ANSES, 2011). Mais d’autres études suggèrent des valeurs inférieures allant de 3 à 1).
Notre régime alimentaire occidental se caractérise par un déficit structurel en omega 3 (0,9 g de ALA au lieu de 1,8) et un rapport omega6/omega3 trop élevé (10 au lieu de 5), si bien que 95% des français n’atteignent pas les apports nutritionnels recommandés, quelque soient leurs préférences alimentaires pour le gras ou le sucré.
Pour le DHA et l’EPA les apports sont respectivement de 188mg/j et 125 mg/j, donc aussi bien en dessous des recommandations qui sont de 250g/j.
Conséquences sur la santé d’une insuffisance en omega 3
Les acides gras affectent la diversité et le fonctionnement du microbiote intestinal qui contrôle les processus oxydants et inflammatoires à l’origine de nombreuses maladies inflammatoires telles que les maladies cardiovasculaires, l’obésité, le cancer et l’arthrite ainsi que certaines maladies du cerveau (dépression, Alzheimer).
Les oméga-6 et -3 ont un rôle important dans la régulation de l’inflammation. L’EPA et le DHA sont anti-inflammatoires, alors que les dérivés de l’acide linoléique (omega 6) sont inflammatoires.
Un excès d’oméga 6 et d’acides gras saturés, en particulier d’acide palmitique augmentent le risque d’inflammations. À l’inverse, les oméga 3 préviennent le risque d’inflammations. Avoir des apports suffisants et équilibrés dans les acides gras polyinsaturés est donc l’une des conditions indispensables pour avoir un bon fonctionnement de notre microbiote de façon à réduire le risque de maladies chroniques, mais aussi pour booster notre système afin qu’il soit un rempart contre les maladies infectieuses. Ainsi, des études épidémiologiques montrent qu’un déficit en micronutriments dont les omega 3 est associé positivement à une incidence et / ou une mortalité plus élevées du COVID-19. C’est la raison pour laquelle, des travaux récents suggèrent qu’un apport d’omega 3, associé à certains minéraux et vitamines, permettrait d’éviter les formes graves de la Covid-19.
La composition des produits animaux en omega 3 dépend des modes d’élevage
La teneur en acides gras saturés dépend assez peu des modes d’alimentation. Par contre, elle dépend beaucoup du type de produits animaux. Elle est la plus faible pour le poulet (1,5%), les oeufs (2,5%, la viande rouge (3%), intermédiaire pour la viande porc (5%) et les charcuteries (8%) et la plus élevée pour les fromages (20%).
Le lait et la viande issus des élevages contemporains dont les animaux sont nourris ou engraissés majoritairement avec des céréales (maïs) et du soja ont une plus faible teneur en omega-3 que ceux nourris ou engraissés à l’herbe comme c’était majoritairement le cas dans les années 50 (tableau 1). Une alimentation à l’herbe augmente aussi la teneur du lait en la plupart des vitamines.
Tableau 1 : Teneurs du lait et de viandes bovines en omega 3 et 6 selon l’alimentation des animaux
Lait (mg/l) | Viande (g/100g) | ||||
céréales | herbe | céréales | herbe | ||
Omega 6 | 1228 | 915 | 110 | 52 | |
Omega 3 | 222 | 327 | 20 | 30 | |
Oméga-6/oméga-3 | 5,8 | 2,8 | 5,2 | 1,7 |
La comparaison de tous les produits animaux pour leur teneur en omega 6 et 3, montre de grandes différences entre types de produits. Les teneurs en omega 6 vont de 0,2 à 2,5g /100g de produits (figure 1). Le rapport omega6/omega 3 des viandes de volailles et de porcs ainsi que des œufs étant supérieur à 4, ces produits ont une fonction inflammatoire. Par contre, complémenter l’alimentation des animaux avec du lin permet de plus que doubler la teneur en omega 3, si bien que tous les produits animaux ont alors un rapport omega6/omega 3 inférieur à 3. Les teneurs en DHA et EPA sont en moyenne multipliées par 2,5 entre les produits courants et les produits complémentés avec du lin.
Figure 1 Relations entre les teneurs en omega 3 et 6 de différents produits animaux pour les modes d’alimentation les plus courants (symboles vides) et pour les produits issus d’une complémentation des animaux avec du lin (symboles pleins); les nombres encadrés 2, 4, 10 correspondent au rapport omega6/omega3; les produits animaux ayant un rapport supérieur à 4 ont une fonction inflammatoire alors que c’est l’inverse pour ceux dont la valeur est inférieure à 4.
Quels changements dans notre alimentation pour atteindre les apports nutritionnels recommandés?
Les principales sources d’omega 3 et 6 dans notre alimentation sont les produits animaux, les huiles végétales et les poissons. L’intérêt des produits animaux et des poissons en comparaison des huiles est qu’ils contiennent les oméga 3 à très longue chaine, clefs pour la santé, que sont le DHA et l’EPA. Les huiles n’apportent donc que l’acide alpha-linolénique.
Dans un régime alimentaire moyen, les produits animaux apporte respectivement 0,22g et 2,8g d’omega 3 et 6 par jour. Choisir des produits issus d’animaux ayant été complémentés en lin réduit légèrement l’apport légèrement d’oméga 6 (2,71g/j) mais surtout augmente les omega 3 (0,66g/j). Le choix de tels produits permet presque de combler le déficit qui est de 0,9g/j.
Les huiles apportent aussi des oméga 3 et 6, mais en proportion très variable selon le type. Les huiles de colza et de lin sont riches en oméga 3 alors que l’huile de tournesol standard, la plus consommée n’en contient pas et est très riche en omega 6. L’huile d’olive apporte des omega 9 d’intérêt pour notre santé. Les huiles de palme et de coco sont les plus riches en acide palmitique, un acide gras saturés (figure 2). Une partie importante des huiles que nous consommons est en fait cachée dans les aliments. Il s’agit surtout des huiles de palme et de tournesol standard.
Figure 2 Composition en différents acides gras des principales huiles végétales
Au cours des années 2000, les consommations apparentes d’huiles (donc sans compter les pertes) tous usages confondus sont en g/jour/personne les plus importantes pour le tournesol (9), le colza (7) et l’olive (5). Elles sont plus faibles pour l’huile de palme (3,7) et le soja (1,5), soit un total de 28g/j. Compte tenu de la composition des huiles, les apports d’acides gras sont de 9,8g/j pour l’acide linoléique et de 0,8g/j pour l’acide alpha-linolénique. Le rapport omega 6/omega 3 de 13, est donc très supérieur aux recommandations. C’est pourquoi le changement dans les différentes d’huiles consommées est indispensable, et les produits animaux doivent avoir le ratio omega 6/omega 3 le plus faible possible, afin d’atteindre les apports nutritionnels recommandés. Pour les huiles, il importe de tenir compte des huiles cachées dans les aliments qui sont consommées à notre insu.
Comment reconnaître les produits animaux à valeur santé
A ce jour, le lait et la viande issus des élevages dont les animaux sont nourris ou engraissés à l’herbe représentent respectivement 35 et 25% des produits. Et il n’y a pas de signe de distinction pour le consommateur. Cependant, le lait bio étant très majoritairement produits à l’herbe, peut être considéré comme riche en omega 3, y compris pour les produits qui en sont dérivés (beurre, fromage). Ce n’est par contre pas forcément vrai pour la viande bio.
Tous les produits animaux estampillés Bleu Blanc Coeur garantissent une teneur élevée en oméga 3, telle que nous l’on peut le voir sur la figure 1.
Compte tenu du déficit généralisé de notre alimentation en omega 3 et de la montée en puissance de régime alimentaire plus végétalisé pour des raisons d’environnement ou d’éthique, il importe d’être de plus en plus attentif dans le choix des produits animaux pour leur valeur santé.
Parfaire les étiquetages nutritionnels
La valeur santé des produits animaux dépend de leur composition à la sortie de la ferme et de leur degré de transformation, que ce soit la viande, les laitages ou les œufs.
Tout le travail d’amélioration de la qualité nutritionnelle du produit fini par l’alimentation de l’animal (mené par Bleu-Blanc-Cœur), de même qu’une alimentation des vaches à l’herbe, bien que prouvé par de nombreuses études scientifiques et des analyses sur les produits, n’est donc pas pris en compte par les étiquetages nutritionnels courants.
De façon simple, quand Siga permet de différencier une qualité entre deux produits en fonction du degré de transformation, les produits laitiers bio et les produits Bleu-Blanc-Cœur permettent, quant à eux, de guider les consommateurs vers une qualité supérieure en amont de la chaîne de production et transformation.
« Pour le DHA et l’EPA les apports sont respectivement de 188mg/j et 125 mg/j, donc aussi bien en dessous des recommandations qui sont de 250g/j. » –> Attention ce n’est pas 250g mais 250mg/jour.
Bonjour,
Merci pour votre retours.
Nous avons corrigé la coquille.
Bonne journée,