C’est indéniable le stress a un impact sur notre vie quotidienne. Il va influencer un bon nombre de nos comportements, notamment nos comportements alimentaires, modifiant ceux-ci à la fois pour des raisons psychologiques mais aussi physiologiques. Comportementalement parlant, le stress va déclencher des compulsions alimentaires, des hyperphagies, notamment des hyperphagies nocturnes (1,2), ainsi que des addictions alimentaires. Ces troubles vont avoir pour conséquences une prise de poids mais aussi l’apparition de maladies métaboliques telles que le diabète.
Comment le stress va influencer nos comportements alimentaires ?
Pour mieux comprendre l’impact du stress sur nos comportements alimentaires, il faut expliciter s’il s’agit de stress aigu ? Chronique ? Ou d’anxiété ?
En effet, selon type de stress auquel nous sommes soumis, nos comportements alimentaires ne seront pas impactés de la même manière.
Sur le plan physiologique, il est connu qu’une situation perçue comme stressante, va activer la réponse physiologique au stress, c’est-à-dire va activer l’axe hypothalomo-hypophisaire-corticosurrénalien. L’activation de cet axe va provoquer la libération de CRF par l’hypothalamus, d’ACTH par l’hypophyse et de cortisol par les glandes surrénales. Et c’est l’activation de cet axe, qui, sous l’emprise du stress, va modifier l’activité des neurones impliqués dans la prise alimentaire. Ainsi la libération des hormones du stress va avoir des conséquences physiologiques sur les hormones / neuropeptides impliqués dans la prise alimentaire (3,4).
Comme mentionné, l’impact du stress sur la prise alimentaire est différent selon la phase du stress dans laquelle on se situe.
Stress aigu
Si nous subissons un stress aigu, comme celui que l’on retrouve lorsque nous devons faire une communication orale devant notre supérieur, ou lorsque nous passons un examen, l’appétit est généralement coupé. Ainsi, dans ce cas, le stress a un effet anorexigène ; ce qui est dû à la libération de CRF par l’hypothalamus (3).
Stress chronique
En revanche, lorsque nous subissons un stress chronique (c’est-à-dire répété), que nous nous sentons anxieux, ou que nous sommes en « phase de récupération » suite à une situation que nous avions jugée comme stressante, notre appétit est augmenté. Dans ces cas précis un effet oréxigène du stress est observé. Cet effet s’explique par le fait que l’activation de la réponse physiologique au stress va induire la libération de cortisol qui, lui, est orexigène.
Sous l’action du cortisol, nos prises alimentaires vont augmenter, ce qui va se traduire, selon les individus, par des crises de compulsions mais aussi d’hyperphagies pouvant conduire à des prises de poids. En dehors de son effet orexigène intrinsèque, le cortisol va agir sur la libération des hormones / neuropeptides impliqués dans la prise alimentaire notamment le NPY (impliqué dans l’initiation de la prise alimentaire) et la leptine (impliquée dans la satiété), en augmentant l’effet de l’un et en diminuant l’effet de l’autre (3).
Le sommeil
Il ne faut pas non plus oublier que le stress impacte significativement notre sommeil tant sur le plan de la quantité que de la qualité ; nous conduisant ainsi à être en privation de sommeil. Or il est connu que le manque de sommeil a tendance à augmenter nos prises alimentaires (5) ; ce qui est dû aux modifications du taux de la libération des hormones impliquées dans la régulation de la balance faim / satiété. La ghréline, hormone de la faim étant augmentée, et la leptine, hormone de la satiété, étant diminuée.
Pourquoi en situation de stress nos choix alimentaires se portent sur des produits ultra-transformés ?
En effet, rare sont les individus qui sous l’emprise du stress vont se jeter sur des brocolis ou haricots verts vapeurs…
La coupable est la sérotonine qui est un neurotransmetteur impliqué dans l’humeur, dans nos comportements alimentaires mais aussi dans notre adaptabilité au stress. En augmentant notre adaptabilité au stress, la sérotonine permet de mieux le gérer et par conséquent de lutter contre l’anxiété qu’il génère (6).
La libération de cortisol, engendré par le stress, va augmenter l’activité des neurones sérotoninergiques, provoquant une libération massive de sérotonine par ces neurones (7). Ce qui va avoir pour conséquence une baisse importante de sérotonine (3). Pour remédier à cette baisse et faire remonter le taux de sérotonine, les individus vont devoir trouver « un plan d’action ». Pour ce faire, ils vont devoir consommer des aliments riches en tryptophane, puisque la sérotonine est synthétisée à partir de cet acide aminé essentiel qui est seulement apporté par l’alimentation.
Or, si on trouve du tryptophane dans divers aliments comme le blanc de poulet ou de dinde, le saumon, la sardine, les œufs, les artichauts, les asperges, les prunes, les avocats ; il faut, pour qu’il passe la barrière hémato-encéphalique, et qu’il puisse synthétiser de la sérotonine, qu’il y ait sécrétion d’insuline. Ce qui conduit à la consommation d’aliments « sucrés », plus précisément riches en carbohydrates et suivant ultra-transformés.
Quel impact de la consommation d’aliments ultra-transformés sur notre réaction physiologique au stress ?
Il est connu que la consommation de ce type de produits impacte notre métabolisme notamment en modifiant notre sensibilité à l’insuline mais aussi en agissant sur les hormones impliquées dans la régulation de la prise alimentaire.
Ce qui est connu de puis peu, c’est que, ce type de nourriture, affecterait notre réponse physiologique au stress (8), en « altérant » le CRF et le cortisol ; ce qui au niveau comportemental conduirait à des troubles de gestion du stress. Ceci aura, généralement, pour conséquence, la surconsommation de produits riches en graisses et en sucres. Une sorte de cercle vicieux va donc s’installer.
Il est à noter que ce sont les individus atteints d’obésité qui y sont le plus sensibles. En effet, il a été mis en évidence un lien important entre obésité, IMC (Indice de Masse Corporel) et stress : plus un individu aurait un IMC élevé plus il serait sensible au stress psychologique et donc à la prise de poids (9). Ainsi, les individus obèses sont plus vulnérables au stress que les individus minces. Cette vulnérabilité accrue au stress va, chez les individus atteints d’obésité, accroitre la consommation d’aliments riches en graisses et en sucres (8).
Nos choix alimentaires : une question de volonté ?
Le fait de comprendre que, la consommation d’aliments riches en graisses et en sucres, voire ultra-transformés, chez les individus subissant un stress, n’est pas qu’une compensation psychologique, mais bien due à l’action physiologique du cortisol sur les molécules impliquées dans notre comportement alimentaire, est très important pour leur prise en charge. Non, ce n’est pas dû à un manque de volonté comme cela a pu, malheureusement, leur être dit à plusieurs reprises. De plus, c’est la récurrence des « crises » qui posent problème puisque c’est la surconsommation qui va engendrer les problèmes de poids dont se plaignent les personnes stressées mais aussi l’apparition des maladies métaboliques voire de troubles dépressifs.
Nos choix alimentaires vont avoir un impact sur notre réaction physiologique au stress : la surconsommation d’aliments ultra-transformés en dérégulant notre système physiologique de réaction au stress, nous rend plus vulnérable à celui-ci et donc diminue notre capacité d’adaptation. Les individus obèses étant les plus adeptes de ce mode de consommation alimentaire, c’est, pour eux, la double peine. Il sera donc très important de ne pas oublier, que, leur comportement n’est pas dû à un manque de « volonté », mais, est, bel et bien, organique, physiologique.
Références bibliographiques
- American Psychiatric Association. (2015). DSM-5-Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Elsevier Masson.
- Birketvedt, GS., Sundsfjord, J., Florholmen, JR. (2002). Hypothalamic-pituitary-adrenal axis in the night eating syndrome. Am J Physiol 282: E366-E369.
- Takeda, E., Terao, J., Nakaya, Y., Miyamoto K-I, Bada, Y., Chuman, H., Kaji, R., Ohmori, T., Rokutan, K. (2004). Stress control and human nutrition. The journal of medical investigation, Vol 51, pp 139-145.
- Epel, E., Lapides, R., Mc Ewen, B., Brownell, K. (2001). Stress may add bite to appetite in when :a laboratory study of stress-induced cortisol and eating behavior. Psychoneuroendocrinol 26, 37-49.
- Georges, M., Mouillot, T., Lombard, S., Pénicaud, L., & Brondel, L. (2016). La privation de sommeil fait grossir: mythe ou réalité?. Nutrition Clinique et Métabolisme, 30(2), 142-153.
- Lieberman, HR., Wurtman, JJ., Chow, B. (1986). Changes in mood after carbohydrate consumption among obese individuals. Am J Clin Nutr 44 : 772-778.
- Joseph, MH., Kennett, GA. (1983). Stress-induced release of 5-HT in the hippocampus and its dependence an increased tryptophan availability : an in vivo electrochemical study. Brain Res 270 : 251-257
- Sinha, R. (2018). Role of addiction and stress neurobiology on food intake and obesity. Biological Psychology; 131 : 5-13.
- Appelhans, B.M., Pagoto, S.L., Peters, E. N., Spring, B.J. (2010). HPA axis response to stress predicts short-term snack intake in obese women. Appetite, 54(1), 217-220.
Article très intéressant du point de vue des explications sur le lien entre surpoids et stress; en revanche, pourquoi n’y a-t-il des photos de femmes?! Les hommes aussi sont sujets au stress et au surpoids et j’en suis sûre, sans l’avoir voulu, l’auteure accrédite l’idée que les femmes résistent moins bien au stress que les hommes et les enferme dans l’idée qu’elles doivent être préoccupées par leur poids, ce que ne font déjà que trop les publicités qui jouent sur la culpabilité. Dommage, ça aurait au contraire été l’occasion, à mon sens, de remettre les pendules à l’heure sur ces clichés…
Bonjour.
Tout d’abord, je vous remercie pour votre commentaire. En effet, ne montrer que des images de femmes peut induire une réflexion inéquitable sur le lien entre le stress et le comportement alimentaire.
Nous avons pris en compte votre suggestion et modifié certaines des images.
Merci encore pour votre contribution qui suscite la réflexion.